Salut à toi, jeune investisseur! Un jour de canicule où je me trouvais à la rédaction de Blick, le rédacteur en chef m’attrape au vol: «Dis, Margaux, tu t’y connais en investissements financiers?». Pour moi, comme dirait l’autre, la question était vite répondue: absolument pas.
Une réponse honnête et une réaction à laquelle je ne m’attendais pas: «Parfait! Viens prendre un café, je t’explique». J’apprends alors que Blick souhaite réaliser un long format (ici, on dit «long read», you know) pour sa rubrique Money.
Le concept? Investir en ligne grâce à l’application Yuh en tant que débutante de chez débutante. Je réfléchis, un peu, puis je finis par accepter. Bitcoin, ETF, fractional trading, intérêts composés: bientôt, tous ces termes mystérieux n’auront plus de secrets pour moi!
Pour m’accompagner dans cette aventure, je pourrai heureusement compter sur les éclairages de Myret Zaki, journaliste spécialiste de l’économie qu’on ne présente plus et qui décryptera pour moi le vocabulaire des marchés financiers, mais aussi de Thomas Veillet, expert du monde financier, ancien trader professionnel aujourd’hui chroniqueur indépendant, qui décortiquera pour vous mes performances sur les marchés.
Une fois mon compte Yuh créé, je dépose mes premiers deniers. CHF 3000 confiés par Blick pour les besoins de l’expérience. Bon, en vrai, je me sens un peu perdue. Dans cette galère, ma respiration s’accélère. Je décide d’aller voir la section «Yuh Learn» de l’app. Je tombe sur un contenu intitulé «7 conseils pour tes premiers investissements». Voilà qui tombe à pic.
À présent, je suis prête à entrer dans le vif du sujet. Afin de diversifier mon portefeuille et d’éviter si possible de me retrouver ruinée après deux courbes qui sursautent, j’ai décidé de séparer mes investissements en trois catégories distinctes: investir dans les gagnants et perdants du jour, investir dans les ETF et investir dans les actions populaires.
Comment faire un choix parmi les centaines de possibilités qui s’offrent à moi? Dans l’app Yuh, la rubrique «Gagnants et perdants du jour» attire mon attention: on y trouve les actions, ETF ou encore cryptomonnaies ayant réalisé le meilleur score sur les marchés depuis les dernières 24 heures, mais aussi les derniers de la classe (ceux qui, pour le dire avec des fleurs, se sont pris une belle branlée). Voilà qui me semble être une excellente porte d’entrée pour la novice que je suis.
Si, instinctivement, on comprend l’intérêt de miser sur les titres qui ont bien performé, parier sur les perdants – on appelle ça «acheter sur faiblesse» – est loin d’être une mauvaise stratégie, selon Myret Zaki : «Sur les marchés, tout est une question de timing et d’analyse: mon action «gagnante du jour» va-t-elle encore monter, ou au contraire a-t-elle atteint un pic et «fait son temps»? En plus, si l’action est beaucoup montée, ça veut dire que celle-ci est déjà chère, voire même surévaluée».
À l’inverse, j’apprends que très souvent, un titre qui chute finit ensuite par rebondir, d’où l’intérêt d’acheter lorsque l’action est peu chère: «En finance, il faut acheter bas et vendre haut, or les débutants font très souvent l’inverse! Les traders, eux, osent acheter pour exploiter une baisse temporaire lorsqu’ils ont estimé que l’action en question recèle un potentiel de hausse», conclut notre experte des marchés.
En ce 31 juillet 2023, veille de fête nationale et de la fermeture du marché suisse, il est à présent temps d’effectuer mes premiers investissements parmi les gagnants et perdants du jour.
Parmi les centaines de possibilités s’offrant à moi, je choisis une dizaine d’actifs, certains par affinités avec le secteur en question, certains par curiosité et d’autres, je dois bien l’avouer, parce qu’il fallait bien choisir, mais sans grande certitude.
Nikola (NKLA), le gagnant des gagnants
Nikola Corporation est un constructeur automobile américain spécialisé dans la conception et la fabrication de véhicules commerciaux zéro émission ainsi que d’autres solutions de transport. Fun fact, le nom de l’entreprise a été choisi en hommage à Nikola Tesla, faisant ironiquement référence à son concurrent (vous le verrez, tout au long de cet article, on sera plusieurs fois amenés à parler du géant de la voiture électrique et de son mégalomane de CEO, Elon Musk).
Ce jour-là, l’action Nikola était celle ayant réalisé la meilleure performance, d’où mon choix. Mais en quelques jours, l’action Nikola se ratatine. De 2,61 dollars, elle passe à 2,30 dollars. Néanmoins, tout le monde continue à en parler. Du coup, je suis la tendance et décide tout de même de renforcer ma position en achetant de nouvelles actions.
DocMorris (DOCM), la pharmacie du futur :
Le groupe suisse DocMorris, anciennement Zur Rose, est la plus grande pharmacie de commerce électronique d’Europe et l’un des principaux grossistes médicaux de Suisse. L’action monte et suscite l’intérêt des spéculateurs, alors que le ministre allemand de la Santé Karl Lauterbach a déclaré que l’ordonnance médicale électronique devrait «enfin être utilisable au quotidien» en Allemagne à partir du 1er juillet 2023. Impossible de perdre, non?
Bitcoin (XBT), l’ancêtre des cryptomonnaies
J’y connais pas grand-chose en crypto, on pourrait même dire que je suis une crypto-plouc. Alors s’il ne fallait en acheter qu’une, c’est bien du Bitcoin. En plus, en ce moment, 92% des utilisateurs de Yuh en achètent. Je décide de suivre la meute.
Nikola en mode «Le Grand Bleu»
Pour bien commencer le débrief de ces sept semaines d’investissements, je vous propose d’analyser en premier mon plus gros fail, j’ai nommé Nikola. En effet, si la valeur de ma position a dans un premier temps pris l’ascenseur (j’étais alors persuadée que j’allais réaliser le coup du siècle, naïve que j’étais), il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’elle n’amorce une plongée dans les profondeurs en mode «Le Grand Bleu».
Mais que diable s’est-il passé? Au vu de l’intérêt des autres investisseurs, ça semblait pourtant être un excellent plan. C’est alors que Thomas Veillet m’a parlé de ce qu’on appelle les meme stocks, ces titres peu chers qui deviennent viraux grâce à des réseaux sociaux comme Reddit ou X (ex-Twitter). Sur la base de l’effet de groupe, le titre gagne rapidement en popularité à mesure que les investisseurs affluent et sa valeur augmente de manière totalement artificielle.
Résultat, la bulle gonfle, gonfle, gonfle avant de finalement exploser, ne laissant que leurs yeux pour pleurer aux investisseurs qui n’ont pas senti le vent tourner, à l’image de votre humble serviteure.
Sale temps pour le Bitcoin
Mes larmes à peine séchées, voilà qu’une onde de choc traverse les marchés: le 17 août, Bitcoin perd 3000 dollars en une seule journée. En cause, une rumeur lancée par le Wall Street Journal selon laquelle SpaceX, entreprise américaine spécialisée dans le domaine de l’astronautique et du vol spatial et propriété d’Elon Musk, aurait vendu l’intégralité de ses positions: «L’hypothèse que ce soit Musk – supporter notoire du Bitcoin et dont on connait l’influence – a créé un véritable vent de panique auprès des investisseurs.»
Presque un mois plus tard, si le ciel ne s’est pas écroulé sur la tête des investisseurs crypto, le cours n’a pas opéré de remontée significative. Une situation qui s’explique par un climat de tensions entre les afficionados de ces monnaies virtuelles et la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers.
Dernière passe d’armes en date, un jugement ayant débouté la SEC qui s’était opposée à la création d’un ETF basé sur le Bitcoin: «Cette annonce laisse entendre que cet ETF Bitcoin pourrait arriver sur le marché plus tôt que l’on ne le pensait, mais en l’absence de signal clair, les investisseurs ne se mouillent pas et piétinent sur la ligne de départ», poursuit Thomas Veillet. Comme souvent sur les marchés, suite au prochain épisode…
DocMorris sèche mes larmes
Comme vous pouvez le constater, pour le moment, je ne risque pas de prendre ma retraite à 40 ans. N’empêche, j’ai quand même réalisé UN joli coup: 30 août, toujours aucune annonce du gouvernement allemand quant à l’introduction de cette fameuse ordonnance électronique, qui devait pourtant être imminente.
Une situation qui n’empêche pas ma position DocMorris de prendre de plus en plus de valeur. Dès lors, je me trouve face à un dilemme: vendre et empocher les bénéfices ou ne pas vendre et espérer voir l’action monter encore plus haut? Décidée à ne pas réitérer la même erreur qu’avec Nikola, je choisis la première option. Et hop, un peu plus de cinquante francs de bénéfices pour bibi.
Dans la jungle des entreprises cotées en bourse, on trouve de tout, de l’action ultra spéculative dont personne ne connaissait le nom avant qu’elle ne buzze (coucou Nikola) à celles dont on a tous déjà entendu parler (Apple, LVMH, Novartis, Nestlé, Amazon, pour n’en citer que quelques-unes).
Et si actions renommées ne riment en aucun cas avec gains assurés, ces dernières se révèlent intéressantes pour les investisseurs à plus d’un titre. Dans cette section, on va illustrer ces différentes facettes avec, d’une part, une action réputée défensive et de l’autre, un véritable ovni piloté par un capitaine un peu barré.
Comme pour n’importe quelle action, l’investisseur choisit l’entreprise dans laquelle il souhaite placer son argent, il choisit la taille de sa position, passe l’ordre, et le voilà heureux actionnaire de l’entreprise en question.
Pour cette section, j’ai choisi de partager équitablement le montant à ma disposition entre deux mastodontes:
Walmart (WMT), le géant de la grande distribution
Multinationale américaine numéro 1 dans la grande distribution, Walmart est souvent considéré comme un choix de premier ordre pour les investisseurs à la recherche d'actions défensives fiables, en raison de l'étendue de ses activités et de sa rentabilité constante.
Tesla (TSLA), la girouette d’Elon Musk
Le constructeur automobile américain de voitures électriques affole les investisseurs au moins une fois par jour: tweets de son capitaine faisant à chaque fois l’effet d’une bombe, baisse drastique du prix des principaux modèles, démission surprise du directeur financier, on peine parfois (souvent) à suivre.
Walmart, mon tout premier dividende
Depuis mon achat, l’action Walmart se porte bien (à l’heure où je clôture mes investissements, la vente de mes actions me rapporterait une vingtaine de francs de bénéfice). Une bonne performance qui s’explique par le fait que, malgré le ralentissement économique qui touche actuellement les États-Unis et dans lequel des titres comme Foot Locker (vendeur de baskets chères) ou Macy’s (le Globus américain) ont laissé pas mal de plumes, les consommateurs sont encore plus nombreux qu’avant à faire leurs courses chez Walmart.
Mais outre la bonne performance de ma position, j’ai surtout reçu mon tout premier dividende! L’occasion d’évoquer avec Thomas Veillet l’importance de ce qu’on appelle les intérêts composés: «Lorsqu’on échafaude une stratégie sur le long terme en achetant des actions d’une belle entreprise comme Walmart et qu’on touche un dividende, il est impératif de le réinvestir dans cette même entreprise. Ce faisant, vous allez progressivement augmenter la taille de votre position, toucher de plus en plus de dividendes et ainsi, année après année, créer de plus en plus de valeur».
Tesla, un yo-yo qui finit bien
À l’inverse, pour ce qui est de ma position Tesla, on est plus sur une mer agitée que sur un long fleuve tranquille: depuis mon achat, le cours de l’action a presque continuellement baissé. Selon Thomas Veillet, impossible de livrer ici une explication définitive à cette baisse du cours de cette action atypique, surévaluée et imprévisible: «Il ne se passe pas un jour sans que l’on parle de Tesla. Ce flot ininterrompu de nouvelles est assez unique et il est la plupart du temps impossible d’établir un lien entre un événement particulier et une hausse, ou dans le cas présent, une baisse», conclut le spécialiste, qui gage d’ailleurs qu’entre la finalisation de l’écriture de cet article et sa publication, mille choses se seront passées, rendant toute analyse obsolète.
Fun fact, trois jours après notre dernier point de décryptage, l’action Tesla a bondi de 9% après un communiqué des analystes de la banque d’investissement Morgan Stanley indiquant que Dojo, le superordinateur que Tesla a commencé à produire en juillet pour entraîner l'intelligence artificielle, pourrait augmenter la valeur de l'entreprise du constructeur automobile de plus de 500 milliards de dollars.
Vous me connaissez un peu maintenant, lorsque je ne sais pas quoi faire, je regarde ce que les autres font et pourquoi. Et dans le cas présent, nul besoin d’aller très loin sur internet pour constater l’immense popularité de ces trois petites lettres.
Myret Zaki nous explique: «Un ETF, Exchange Traded Fund ou fonds indiciel en français, est un fonds négocié en bourse qui réplique des indices boursiers, des secteurs d’activité, des matières premières ou des titres d’une même thématique. Ces fonds permettent à l’investisseur peu expérimenté de s’exposer largement à ces différentes classes d’actifs». En résumé, un genre de cocktail d’investissements permettant de diversifier son portefeuille. En effet, certains ETF regroupent des centaines, voire des milliers de titres différents.
En plus des avantages relatifs à la diversification, Thomas Veillet en évoque quelques-uns de plus avec moi : Investir dans un ETF constitue un gain de temps considérable (imaginez investir dans 500 actions une à une. C’est certain, vous serez encore là demain). De plus, les ETF étant totalement transparents, il est possible de voir à tout moment dans quelles valeurs celui-ci est investi. Enfin, cerise sur le gâteau, généralement les frais de gestion des ETF s’avèrent avantageux par rapport aux fonds classiques.
Parmi les nombreux ETF que propose Yuh, l’ETF Immobilier Suisse créé par UBS attire mon attention, et pas uniquement parce que je viens de binge-watcher la nouvelle saison de «Selling Sunset». Plus sérieusement, cet indice prend en compte les fonds immobiliers côtés à la SIX Swiss Exchange et dont au moins 75% des actifs sont investis en Suisse. Dans l'optique de diversifier mes placements, investir dans la pierre me semble être un choix costaud.
Étant donné qu’investir dans les ETF constitue une stratégie de long, voire très long terme, il ne s’est pas passé grand-chose durant ce mois et demi d’investissements, mis à part une légère baisse en raison de l’augmentation des taux hypothécaires. En gros, je dirais: «Circulez, y’a rien à voir, mais revenez dans 20 ans».
Même si l’expérience de «jouer» avec les différents produits financiers, les décrypter (voire, dans certains cas, les autopsier) m’a vraiment plu, j’ai tout de même décidé de me défaire de l’intégralité de mes positions, le temps de réfléchir si et comment je souhaitais investir à l’avenir. Si je me relance sur les marchés, je pense par exemple que je me tournerai davantage vers des actions moins spéculatives au profit de titres plus défensifs et distribuant des dividendes.
Je pourrais m’arrêter là, remercier tout le monde et conclure cet article, mais une question continue de me trotter dans la tête: outre les erreurs qui m’ont fait perdre un peu d’argent, est-ce que c’est moi ou les marchés se sont peu à peu mis à tirer la gueule au fil des semaines? Une observation confirmée par Thomas Veillet: «Le mois d’août est historiquement le plus mauvais mois boursier, et ce depuis le début des années 2000».
En outre, j’apprends que les marchés ont si bien performé depuis le mois de novembre dernier qu’ils ont d’ores et déjà atteint leurs objectifs annuels. Une situation qui laisse présager au mieux d’une stagnation, au pire d’une baisse plus importante encore. Néanmoins, pour terminer cet article sur une note positive, Thomas Veillet nous rassure: il n’existe pas de moment parfait pour commencer à investir. Le plus important? Établir un plan et s’y tenir, prendre des risques calculés et ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
Au début de l’aventure, mes trois catégories d’investissements confondues se montaient à CHF 2944,14 (les CHF 3000 mis à ma disposition devant également couvrir les frais et le taux de change, j’ai pris une petite marge). Sept semaines plus tard, mon panier ne valait plus que CHF 2853,51. Je ne suis donc pas devenue une as de la finance, mais je n’ai pas non plus ruiné Blick (ce qui aurait tout de même été dommage, vous en conviendrez).
Durant ces quelques semaines, j’ai appris un certain nombre de leçons, certaines positives et d’autres un peu plus douloureuses. Avant de prendre congé, voici ce qui pourrait s’appeler «Les Dix commandements de l’investisseur débutant»: