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Le psychiatre

Il existe plusieurs formes de cannibalisme, toutes très rares. Celui de survie, si l’on pense à une partie de cette équipe de rugby qui a survécu 72 jours dans les Andes en mangeant les camarades décédés après un crash d’avion. Il y a celui du rituel, dans les tribus ou les sociétés ancestrales. Et puis, il y a le cannibalisme de certains criminels, dont les comportements peuvent être liés à la sexualité. D’autre part, il y a le cannibalisme fantasmatique, dans sa dimension sexuelle: la voraréphilie. Une variante orale du sadomasochisme.

Prof. Antonio Andreoli,
Psychiatre et psychothérapeute,
Membre de la Société suisse de sexologie
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Le pénaliste

En Suisse, le principe est la libre disposition de son corps. C’est la raison pour laquelle on doit donner son consentement avant une opération chirurgicale, par exemple. Mais peut-on consentir à être mangé? Pas facile comme question. Sur le plan pénal, un juge pourrait avoir tendance à exclure un consentement libre et éclairé pour contourner la complexité, notamment sous l'angle de la dignité humaine. Cas échéant, si la personne mutilée restait en vie, l’auteur serait poursuivi pour lésions corporelles graves. En cas de décès de la victime, pour homicide. Et si des actes devaient être commis sur elle après sa mort, on retiendrait l’atteinte à la paix des morts.

Loïc Parein,
Avocat
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Bilan CO2 de l'EPFL en 2023 Source: epfl.ch
Le psychiatre

Il est difficile de définir l’origine d’un fantasme. Elle est différente pour chaque personne. Tout dépend de ce qu’il y a dans la dimension secrète et totalement privée de celles et ceux que la mort excite. Mais, en un sens, le fantasme cannibale nous habite toutes et tous. Il vient peut-être de notre enfance, durant laquelle nous avons dû renoncer à mordre le sein de notre mère. Prenez le fait d’aimer mordiller lors d’une relation sexuelle: c’est une forme de cannibalisme soft. N’avez-vous jamais eu envie de mordre quelqu’un ou quelque chose tellement vous l’aimiez?

Prof. Antonio Andreoli,
Psychiatre et psychothérapeute,
Membre de la Société suisse de sexologie
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La sexologue

C’est aussi le cas lorsque quelqu’un avale les fluides de l’autre lors d’une relation sexuelle. Dans la langue française, on dit d’ailleurs vouloir dévorer ou croquer ce que l’on aime, ce que l’on trouve beau.

Aline Alzetta-Tatone,
Psychosexologue et thérapeute de couple
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Le psychiatre

En psychanalyse, on parle d’introjection. Dans le deuil d’une relation sentimentale, l’amour ou la haine de la personne aimée se fait une place en nous: on lui donne un visage. Certains ont même parlé d’une incorporation cannibalique, qui expliquerait le deuil et la dépression. Comme si l’objet perdu, que nous avons symboliquement ingéré, se retourne contre nous. En somme, une personne qui en mange une autre fait, pour de vrai, ce que nous faisons toutes et tous psychiquement et inconsciemment. Manger quelqu’un, c’est le posséder complètement.

Prof. Antonio Andreoli,
Psychiatre et psychothérapeute,
Membre de la Société suisse de sexologie
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Gaspillage alimentaire du champ à l'assiette en Suisse, en milliers de tonnes Source: EPFZ 2019
La sexologue

Il me semble évident que l’immense majorité des gens qui ont ce fétiche ne passeront jamais à l’acte. Comme pour beaucoup d’autres fantasmes, on ne souhaite pas forcément qu’ils se réalisent. Pour passer à l’acte, il faudrait un manque d’empathie ou la capacité et l’envie de transgresser. Ça ne fait pas pour autant de ces personnes des psychopathes. Dans la société, il y a des psychopathes qui s’ignorent qui ne passent jamais à l’acte et d’autres qui ne le sont pas et qui succombent à leurs envies. Mais, encore une fois, avoir un fétiche ne veut pas dire franchir le pas. Environ 70% des gens qui ont des fantasmes pédophiles ne passent jamais à l’acte, par exemple.

Aline Alzetta-Tatone,
Psychosexologue et thérapeute de couple
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Une poubelle high-tech et anti-gaspi à l'EPFL

César Greppin
Format web

Personne ne veut regarder le gaspillage alimentaire en face. L’EPFL fait le contraire: elle a installé des caméras sur les poubelles de ses restaurants. Une intelligence artificielle scanne tout ce qui est jeté afin d’aider l’école à prendre des mesures efficaces. L’objectif: diviser par 7 la quantité de nourriture jetée d’ici à 2030.

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Avec une population de près de 18’000 personnes, le campus de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est une ville dans la ville.

Bâtiments, transports, recherche sont autant de secteurs émetteurs de dioxyde de carbone, l’un des principaux contributeurs du réchauffement climatique.

L’école s’est fixé pour objectif de réduire son empreinte carbone pour atteindre la neutralité, via compensations, d'ici à 2030. Elle veut notamment baisser sa consommation d’électricité, limiter les voyages en avion, ainsi que de nombreux autres buts détaillés dans la feuille de route de sa Stratégie climat et durabilité 2030.

Avec plus de 30 restaurants sur le campus, et sans compter les food trucks, pour 1,5 million de repas servis chaque année, l’alimentation représente la troisième source d’émissions de gaz à effet de serre de l’EPFL.

La consommation de viande en est la principale responsable, suivie par le gaspillage. Il pèserait 25% de l’empreinte carbone de l’alimentation.

«Quand on sert plus d’un million de repas chaque année, on ne peut plus se permettre de gaspiller des aliments», assure Bruno Rossignol, responsable restauration et commerces de l’EPFL et chargé du projet EPFL 20-30, vaste programme visant à rendre plus durable l’alimentation de l’école.

Puisqu’on ne peut contrôler que ce qu’on connaît, l’école mesure tout ce qui est gaspillé grâce à des poubelles fonctionnant grâce à l'intelligence artificielle développée par Kitro, une entreprise suisse.

Le grand gâchis
du gaspillage alimentaire

Le gaspillage, personne ne veut le voir. Pas étonnant: les chiffres font mal aux yeux. «Aujourd’hui dans le monde, 47% de ce qui pousse dans les champs est jeté», assure Bruno Rossignol.

En Suisse, près de 2,7 millions de tonnes de produits parfaitement comestibles sont gaspillées chaque année, soit 330 kilos par personne et par an. Les pertes arrivent à chaque étape, du champ à l’assiette.

Outre le gâchis brut de denrées comestibles, cela entraîne des émissions de CO2 inutiles. Le gaspillage représente 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est aussi un gâchis de ressources (eau, terres agricoles…), de biodiversité, de temps et d’argent.

Poubelle intelligente, mode d'emploi

Le système Kitro se compose d’une balance sur laquelle est posée la poubelle, ainsi que d’un appareil photo situé au-dessus

Dès qu’un aliment est jeté, la balance met à jour le poids et déclenche la prise d’une photo par l’appareil.

Chaque image sera ensuite analysée par un algorithme de machine learning (une application de l’IA), permettant de déterminer le type d'aliment jeté.

Ces algorithmes ont été entraînés sur des centaines de milliers d'images et atteignent un taux de reconnaissance de 96%.

«Grâce aux mesures effectuées, notre solution permet de mesurer, puis de réduire, le gaspillage alimentaire», résume Noélie Gabioud, food waste consultant de Kitro auprès de l’EPFL.

Avec cet outil, l’EPFL et Kitro savent exactement ce qui est jeté, en quelle quantité, à quel endroit et à quelle heure. Exemple, les trois aliments les plus gaspillés en 2023 sont le riz, les pâtes et le pain.

Et ce n’est pas tout. En 2019, les mesures ont permis de déduire que chaque assiette débarrassée contenait en moyenne 50 grammes de nourriture gaspillée.

L’école en a tiré plusieurs leçons. Elle a constaté que les restaurants achetaient beaucoup trop de nourriture, par peur de manquer. Les portions sont désormais pesées à 450 grammes (il est possible de se resservir), et les horaires des services sont resserrés. Les cuisiniers ont été sensibilisés.

Mieux, elle peut croiser ces données avec les achats, et les menus servis, pour comprendre ce qui a mené les aliments à la poubelle. «Il est important d’étudier toute la chaîne, de l’approvisionnement jusqu’à l’assiette débarrassée, afin de savoir sur quels points agir», rappelle Noélie Gabioud.

Et ça fonctionne. Aujourd’hui, grâce aux poubelles intelligentes, les restaurants ne jettent plus que 22 grammes par assiette. En comparaison, sur des paquebots de croisière, les buffets à volonté peuvent entraîner jusqu’à 500 grammes de gaspillage par assiette.

L’objectif, d’ici à 2030, est d’arriver à… 7 grammes! «C’est ambitieux, mais c’est le chiffre à atteindre pour respecter les Accords de Paris», rappelle Bruno Rossignol, pour qui «la valeur ajoutée de ce système, c’est cette reconnaissance automatique. Sans intelligence artificielle, on n’y serait jamais parvenus».

Ce dernier s’est en outre engagé à réduire l’empreinte carbone totale de l’alimentation de 40% d’ici à 2030. «Ce ne sera pas facile. Mais on va y arriver», conclut-il.

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Production
Blick Suisse romande

Images
EPFL, Kitro, Shutterstock

Texte
Fabien Goubet

Format web
César Greppin