Url copiée !

J'ai passé 4 jours à l'école des druides

Immersion dans l'univers druidique suisse
Partager
Icône de partage facebook

Durant 4 jours, notre journaliste a suivi les cours d’introduction au druidisme de l’école Eoriañ, à Bôle (NE). Conversations avec les arbres, histoire celtique, calendrier druidique... Ouvrez son carnet de notes pour découvrir cet univers poétique. Lorsque vous l’aurez refermé, le monde ne sera plus le même.

Portrait de Ellen De Meester
Par Ellen De Meester Journaliste Blick

Vous êtes les bourgeons qui habillent les branches. Vous êtes les ruisseaux qui claquent dans les vallées. Vous ne faites qu’un avec la forêt, avec cet arbre solide qui veille, toutes feuilles aux aguets. Vous êtes ce brin d’herbe qui a résisté à l’hiver… Vous ne le saviez pas? Alors les druides vous le diront, si vous prenez le temps de leur parler.

Justement, moi, j’ai voulu les interroger. À l’aube du 25 janvier, j’ai pris le train pour Bôle, prête à vivre mon premier cours de druidisme. Car oui, il y a des druides en Suisse. Avides de partager leur savoir, ils et elles proposent des cours aux personnes que leur univers inspire. Et si vous aimez «Le Seigneur des Anneaux», le concept risque de vous parler! À peine sortie du wagon, un peu nerveuse, je me demandais effectivement si j’allais croiser des elfes dans cette campagne neuchâteloise en pleine hibernation, encadrée par des falaises. Hélas, aucun cousin de Legolas n’a émergé des buissons, mais je suis quand même ravie d’affirmer qu’un arc-en-ciel s’est déployé au-dessus de ma tête, comme un signe encourageant.

Bôle est une localité et une ancienne commune neuchâteloise. Elle se situe à 10 minutes de train depuis le centre-ville de Neuchâtel.

D’un pas vif, j’ai rejoint l’école druidique Eoriañ («ancrer» en breton), fondée il y a 15 ans par la druidesse, herboriste et autrice romande Joëlle Chautems. Les curieux, les hypersensibles et les apprentis druides (surnommés les «marcassins») s’y rejoignent pour acquérir des connaissances en herboristerie, sylvothérapie, géobiologie et lecture de runes, tout en développant une connexion profonde à la nature. Pendant ces 4 jours, j’ai pu entrevoir un fragment de leur cursus, parler aux arbres (qui m’ont répondu), penser le temps différemment et proposer des offrandes aux esprits de la nature. C’était un voyage unique. Suivez-moi, je vous emmène.

Qui sont les druides helvétiques?

Au moment de déposer mes affaires dans mon casier, je ne sais absolument pas ce qui m’attend. En compagnie de six autres élèves, toutes des femmes d’âges et d’horizons différents, je m’installe sur un tapis de yoga, alors que trois chats ronronnants papillonnent de l’une à l’autre. Chacune se présente et explique la raison de sa venue. Certaines veulent trouver un sens à leur vie ou mieux se connaître, d’autres cherchent à renforcer leur lien à la nature. D’emblée, les récits de leurs parcours bouleversants font jaillir des larmes dans le cercle: «Nous sommes désormais un clan, rassure Joëlle Chautems. Nous prendrons soin les unes des autres.»

Les cours théoriques se déroulent dans une salle parsemée de tapis de yoga.
Il n'est pas toujours facile de se concentrer quand des chats irrésistibles se pavanent à proximité.

Celle qu’on surnomme «Hadana» (son nom de druidesse) a reçu ce titre après 18 longues années d’études solitaires, additionnées à deux ans d’instruction dans une école: «J’ai rencontré un druide sur le tard, qui m’a proposé de valider mon parcours, raconte-t-elle. Quand il m’a annoncé qu’il voulait me nommer druidesse, j’ai ressenti un coup de fouet énergétique, j’ai fait un pas en arrière et j’ai pleuré.»

Le nom de druidesse choisi par Joëlle Chautems est Hadana.

À ce moment-là, j’avoue que le terme «druide» m’évoque encore, de façon très clichée, la grâce de Galadriel et la sagesse de Panoramix, avec un zeste de malice façon Totoro. Or, concrètement, ce titre implique surtout une mission: celle d’amener la paix et de prendre soin de sa communauté, grâce à un panel d’outils consacrés au rôle de guérisseur, de médiateur ou de magicien. Le terme «druidisme», quant à lui, définit simplement la pratique philosophique et spirituelle de la tradition celtique, perdue au travers des siècles: «Il m’est très important, via les cours d’Eoriañ, de redonner une place à la spiritualité de notre terre, commente Joëlle. On a tendance à reléguer la tradition celtique à la Bretagne, l’Angleterre ou l’Irlande, mais la Suisse possède aussi un riche berceau spirituel. Je dédie ma vie à la redécouverte, l’étude et à la transmission de cette culture.»

Le Barde

Vêtu de bleu, il se focalise sur la transmission orale en narrant des contes au coin du feu. Grand orateur et poète de talent, c’est lui qui transmet les mythes, consolide l’Histoire et immortalise les grands événements de son époque.

L’Ovate

Vêtu de vert, il est passionné de plantes, féru d’herboristerie et crée les potions utilisées lors des cérémonies et passe ses journées penché sur une marmite. Ce rôle était souvent endossé par les femmes, puisqu’il requiert de savoir cuisiner (évidemment…).

Le Druide

Vêtu de blanc, il prend la place du maître de cérémonie, souffle des conseils avisés au roi, s’occupe des principaux rituels et se charge de faire régner la justice. Ne vous rappelle-t-il pas un certain… Gandalf le blanc?

Précédent
Suivant

En tailleur sur mon tapis, je gribouille avec frénésie toute l’histoire du druidisme. Pour résumer mes six pages de notes, disons que les Celtes, fiers et intrépides guerriers, se sont mélangés aux Helvètes (tout aussi redoutables, robustes et trapus) dès leur arrivée au centre de l’Europe, créant une fusion de pratiques et de mythes. L’ombre des leprechauns, gnomes, licornes et elfes a donc traversé la terre suisse, alors que le Mont Vully (FR), centre énergétique important, est considéré comme une capitale du druidisme. Pendant le cours, Joëlle nous détaille le rôle des trois principaux types de druides et leurs vocations, que vous avez découvert ci-dessus.

Le symbole d'Awen.

Si vous recherchez une playlist de musique druidique sur Spotify, vous tomberez probablement sur un symbole composé de 3 points, 3 lignes et 3 cercles. Il s’agit de l’Awen, une force essentielle, une nourriture spirituelle pour le druide que décrivent de nombreux contes. Lorsqu’ils chantent «Awen» en chœur (comme les yogis clament «Ooommm»), ils se connectent à l’univers et se recentrent sur eux-mêmes.

Comment les druides fêtent-ils Pâques?

Les cours théoriques sont ponctués de petites balades en compagnie de trois chèvres vivaces, qui mettent un point d’honneur à marcher en tête de file. «Attention à vos vêtements, elles aiment les mâchouiller», prévient Joëlle. Alors que nous passons sous un immense chêne, la directrice révèle que cet arbre, ainsi que le gui et les glands qu’il enfante, sont sacrés, puisqu’ils symbolisent la connaissance et l’indépendance. Si vous croisez un druide ou une druidesse, peut-être remarquerez-vous qu’il ou elle porte autour du cou un pendentif en forme de gland. Autre indispensable du kit-Gandalf: un bâton en bois de houx, qui symbolise le lien avec les autres mondes.

Chaque balade se déroule en compagnie de chèvres vivaces.
Pour les druides, l'espace situé entre deux arbres constitue une porte d'entrée dans la forêt.

«C’est le Nouvel-An des arbres aujourd’hui, claironne Joëlle Chautems, lorsque nous avons pris place sur le sol, au pied du chêne. Dans le druidisme, on dit que la sève endormie par l’hiver commence à remonter dans les branches pour réveiller le printemps.»

En effet, le calendrier et les horaires du druide se distinguent sensiblement des nôtres: l’année druidique est représentée par un rond («puisque le temps linéaire n’existe pas») et rythmée par différentes fêtes, au fil des cycles lunaires et solaires: «Si on se coupe trop des cycles naturels et des saisons qui nous traversent, on peut se rendre malade, déplore Joëlle. Se forcer à lutter contre ces rythmes instinctifs demande beaucoup de ressources.»

Les feuilles du chêne sont sacrées dans le druidisme.
Cet autel a été créé pour honorer chacun des cinq éléments naturels.

Alors, afin de s’adapter aux mouvements de la nature et aux sensations physiques de chaque période de l’année, les druides dansent, rient, observent et écoutent, dans le sillage des saisons qu’ils analysent à leur façon. Joëlle résume ainsi les temps forts de l’année avec, bien souvent, un accent sur la célébration. En d’autres termes, les druides sont un peu fêtards.

Samhain: 31 octobre

Correspondant au Nouvel-An druidique (et des sorcières!), il symbolise la renaissance: les arbres perdent leurs feuilles, nos ancêtres sont honorés et un nouveau cycle démarre. Pour marquer ce tournant, les druides ont l’habitude de passer une joyeuse nuit blanche et de préparer des soul cakes, petits gâteaux ronds ornés d’une croix.

Alban Arthan: 21 décembre

Coïncidant avec le solstice d’hiver, cette fête est comparable au «Noël des druides». Le rituel le plus commun est d’admirer le lever du soleil en famille et de se réjouir de l'allongement progressif des jours, qui prennent leur revanche sur la nuit à partir de cette date. Il s’agit d’un grand moment d’introspection, l’occasion parfaite de faire face à nos peurs les plus profondes.

Imbolc: 1er février

L’introspection hivernale s’achève, laissant place aux trois mois de printemps. Imbolc est une célébration de la déesse Brigancia, honorée par des bougies, des pommes et la préparation de crêpes. C’était à cette date que les Celtes s’engageaient à leur flamme jumelle durant une année: le 1er février de l’année suivante, chaque couple réévaluait sa relation et se remariait si l’amour était intact.

Alban Eilir: 21 mars

Marquant l’équinoxe de printemps, cette fête représente la fécondité et est symbolisée par les œufs, qui réapparaissent dans les nids. La déesse Ostara était d’ailleurs capable de se changer en lapin, un clin d'œil notable aux fêtes de Pâques. Un rituel possible est de peindre et de manger des œufs le jour de la pleine lune.

Beltaine: 1er mai

Scindant l’année en deux, cette date célèbre l’amour et les unions sacrées, dans une ambiance très joyeuse. Deux immenses feux (pour l’énergie masculine et féminine) étaient allumés lors d’une grande fête débridée.

Alban Hefin: 21 juin

À cette période sont ramassées les plantes guérisseuses qui rempliront le stock de tisanes pour toute l’année. Le solstice d’été est un jour puissant qui ravive la lumière, marque l’abondance et honore le soleil. Sur la roue du calendrier druidique, il est opposé à Yule qui célèbre la nuit.

Lughnasadh: 1er août

Étendue sur une semaine complète, la fête de Lugnasad honore l’alliance avec les membres du clan. Il était interdit de guerroyer, chacun restait chez soi avec ses proches ou participait à des joutes sportives. Certaines personnes échangeaient aussi de métier ou de rôle, si bien que le boulanger pouvait se prendre pour un forgeron, le temps d’une journée.

Alban Elfed: 22 septembre

Symbolisant la gratitude, Mabon est la fête des vendanges, qui clôt un cycle par la récolte de ce qui a été semé durant l’année. Il convient alors de remercier la nature pour tous ces fruits et de préparer une tarte aux pruneaux qu’on offre aux personnes qui nous sont chères.

À Eoriañ, chaque journée commence de la même manière: plantées sur la colline devant l’école, nous réalisons une gestuelle destinée à honorer et saluer l’espace qui nous entoure. Guidées par Joëlle Chautems ou son mari Julien, nous dessinons les contours d’un arbre par de grands mouvements de bras qui évoquent le Tai Chi.

La gestuelle qui salue la nature chaque matin.

Car pour les druides, notre corps porte tout l’univers, toute la matière de la vie, un peu comme un vase: «Nous ne pouvons mettre de côté notre existence antérieure dans les règnes animal, végétal ou minéral, précise Joëlle. Cela explique notre respect et notre connexion avec l’environnement.»

Saviez-vous qu’on peut saluer les arbres?

Dès le deuxième jour, j’ai l’impression de connaître les autres participantes depuis des années. Entre les cours, alors que la bouilloire siffle dans la cuisine, le groupe discute à bâtons rompus et partage ses ressentis en toute confiance: «C’est une atmosphère très bienveillante, douce et sans jugement, remarque Sarah*, 19 ans. On peut discuter librement de choses qu’il n’est pas toujours possible d’aborder en société.»

Premier exercice: retrouver à l'aide d'un pendule une améthyste cachée dans le gite.
Deuxième exercice: deviner sous quel verre se trouve le cristal à l'aide du pendule.

Je confirme: il n’est pas commun de parler d’ondes, d’auras et de pendules devant la machine à café. C’est pourtant ce dont traitent les cours proposés par Julien Chautems, le mari de Joëlle, qui aborde la puissance de nos cinq sens et les différents champs énergétiques entourant chaque être vivant: «Pour les druides, ces radiations et les informations qu’elles transmettent constituent de précieux outils de travail.» En guise d’exercice pratique, chacune d’entre nous s’adosse à un mur blanc, tandis que les autres tentent d’apercevoir leur corps énergétique, une sorte d’«aura» censée ressembler à une fine couche grisâtre flottant autour du corps. Les yeux se plissent, les sourcils se froncent… et il ne se passe pas grand chose.

Le support de cours fourni par Joëlle Chautems.
Exercice de visualisation des auras. (Pas très concluant)

«C’est normal si je ne vois rien?» s’alarme Caitlin*, 45 ans. Julien nous assure que ce n’est absolument pas grave: «Le but n’est pas de devenir radiesthésiste, mais juste d’effleurer toutes ces énergies qui nous entourent, de considérer qu’elles existent.» Après plusieurs minutes d’intenses efforts et un brin de désarroi, j’ai l’impression d’apercevoir quelque chose autour de ma coéquipière - mais c’est peut-être juste parce que je suis myope… Bref, je ne suis pas près de pouvoir vous indiquer la couleur de votre aura!

«Cela vient avec le temps, il faut s’entraîner», affirme notre professeur. Je lui demande comment il vit l’inévitable scepticisme de notre société moderne, face à l’ésotérisme druidique: «Je ne suis pas là pour prêcher ou convaincre qui que ce soit, répond Julien. Les gens ont le droit d’être sceptiques, c’est leur choix.»

*Noms connus de la rédaction

Le corps éthérique

Entourant tout ce qui est vivant (plantes, arbres, animaux), ce champ de 5 à 10 centimètres d’épaisseur se trouve près du corps et, pour les druides, il représente le lien entre le corps physique et les autres champs énergétiques. Il serait plus facile à voir sur un fond blanc ou autour d’une forêt qu’on observe de loin.

Le corps émotionnel

Voici ce qu’on appelle plus communément l’aura, régi par les émotions et souvent rattaché à une couleur propre à chaque personne. Julien nous assure qu’il est possible de le voir, mais cela requiert de l’expérience et de l’entraînement. «Plus un corps énergétique est dense, plus il est sain», précise-t-il.

Le corps mental

Représenté par une couche bleue, ce corps énergétique régit les pensées, le mental et la réflexion. Elle est donc plus éloignée du corps physique, mais certaines personnes peuvent aussi l’apercevoir. «Ce n’est pas un panneau LED qui clignote, ne vous inquiétez pas si vous ne voyez rien», commente Julien Chautems, face à l’inquiétude du groupe.

Le corps causal

C’est le «corps karmique», chargé de ce qui nous est arrivé dans nos vies précédentes. Il est surplombé par deux autres champs (bouddhique et atmique), qui apparaissent dans l’Ayurvéda et le chamanisme, notamment.

Précédent
Suivant

L’exercice se poursuit à l’extérieur, lorsque Julien et Joëlle nous emmènent à la rencontre d’un bel érable, planté solennellement à proximité de l’école. Notre mission: s’approcher lentement de l’arbre pour tenter de ressentir le champ énergétique qui l’entoure. J’avoue qu’à ce moment-là, après plusieurs heures de cours théoriques, je n’ai plus aucune envie de faire les choses avec lenteur (je suis du signe du Bélier).

Le fameux érable que nous devions saluer.

Alors que les autres membres du groupe avancent à pas feutrés, parfaitement concentrées, je fonce comme un bouquetin vers le pauvre érable. «Allez-y lentement», préviennent nos professeurs. Mais je n’écoute pas. Arrivée la première devant l’immense tronc, je lève les yeux vers les branches et hausse les épaules, déjà résignée à ne rien sentir du tout.

La fameuse branche tombée sur ma tête.

Et là, alors que je m’apprête à tourner les talons pour crier «Ça ne marche pas!», un objet dur et humide percute le haut de mon crâne: c’est une branche. L’arbre m’a littéralement envoyé une branche sur la tête, alors qu’il n’y a pas le moindre souffle de vent! «Il a probablement eu envie de te dire quelque chose, sourit Joëlle, lorsque je clopine vers elle, perturbée. Peut-être que tu n’étais pas suffisamment ancrée!» J’y repense très souvent, à ce message inattendu.

Connaissez-vous vous 8 planètes intérieures?

Le temps passe vite et lentement à la fois, dans cet espace hors du temps, et je m’aperçois que les cours de radiesthésie ne sont pas mon fort. Pour nous motiver, Julien Chautems s’est mis en tête de cacher plusieurs récompenses (dont des bonbons, un coffre rempli de cristaux et même la clé de son propre chalet!) sous la terre, autour de l’école.

La baguette de sourcier est censée nous guider vers un trésor caché...
Tout ce que j'ai été capable de trouver est un pauvre bonbon.

Nous arpentons donc le jardin à la recherche du trésor, armées de baguettes de sourcier, des outils conçus pour capter les ondes et nous guider à la manière d’un pendule. Moi, je ne déniche qu’un simple Sugus… et c’est sans doute par hasard. Après une bonne heure de persévérance, Jade, 29 ans, découvre le coffre: victorieuse, elle lève les bras vers le ciel et nous l’applaudissons avec ferveur.

Jade, plus douée que moi a déniché le trésor.

Les participantes sont infatigables: «La figure du Druide m’inspire, s’enthousiasme Nine, 29 ans. Ce rapport à la nature et ce retour aux racines m’évoquent un héritage dont on s’éloigne dans notre quotidien effréné. Je crois que le druidisme permet d’y revenir.» Même son de cloche pour Alessandra*, qui a vécu une réelle prise de conscience après le Covid: «J’ai compris que j’avais besoin d’être ancrée, d’être moins focalisée sur l’avis des autres et que je devais me reconnecter à moi-même. Cela passe, selon moi, par un retour à la nature. Sinon, les années s’écoulent et nous volent notre temps, nos vies.»

Pour clore ces quatre journées de cours, Joëlle Chautems nous propose de couler des bougies en l’honneur de la fête d’Imbolc, et nous parle des huit sphères (la version celtique des chakras) qui nous habitent et nous constituent tous.

La cire fondue que constituera nos bougies

Pour les druides, celles-ci représentent des petits mondes intérieurs, des micro-planètes qui reflètent notre énergie: «Comme dans Star Wars, on arrive au monde avec des planètes en guerre, auxquelles il faut apporter la paix, résume-t-elle. En effet, quand plusieurs de ces constellations internes sont déséquilibrées, la sphère concernée devient le centre d’une blessure ou d’un traumatisme à guérir.»

Chacune des 9 sphères est également associée à un secteur professionnel, une aptitude ou une insécurité particulière:

1ere sphère

Joëlle Chautems décrit la première sphère comme un petit monde composé de terre cultivable et paisible, habitée d’êtres sereins, vivant dans l’acceptation, en harmonie avec leur corps et en toute sécurité: «Lorsqu’elle est déséquilibrée, elle devient l’antre des blessures liées à l’insécurité et aux abus physiques».

2e sphère

«Il s’agit d’un monde en mouvement constant et dont le sol est constitué de lave en fusion, explique la druidesse. Ses habitants aiment cela, ils utilisent cette matière mouvante pour créer des choses, les regarder fondre et recommencer.» La deuxième sphère contient donc ce grain de folie artistique, l’acceptation du passage du temps et du changement permanent.

3e sphère

«Cette sphère est plus calme, habitée par des êtres rayonnants de lumière, qui assument leur beauté et s’aiment tels qu’ils sont. C’est le siège de l’égo, là où peuvent se loger nos insécurités et la peur du jugement d’autrui.»

4e sphère

Voilà le petit monde de l’éternel printemps, de la joie et du renouveau: «Cette sphère nous aide à accepter qu’après l’hiver, les beaux jours reviendront forcément, raconte Joëlle. C’est donc celle qui se trouve la plus désarçonnée face à un deuil profond ou la peur de l’abandon.»

5e sphère

«C’est la sphère centrale, très calme, faite de forêts touffues et habitée d’êtres qui donnent toujours autant qu’ils reçoivent. En présence d’un déséquilibre, c’est de là qu’émerge la blessure du sauveur chez les personnes qui donnent tout, sans accepter de recevoir.»

6e sphère

D’après la druidesse, la 6e micro-planète qui nous habite est constituée d’eau agitée et peuplée d’êtres en quête de changements: «Elle symbolise la faculté à intellectualiser l’émotion tout en la vivant, à basculer de l’expérience physique à l’intellect. Elle est très développée chez les psychothérapeutes ou les enseignants.»

7e sphère

«Associée à la sérénité dans l’expression, cette sphère représente la voix, les sons, et nous permet de maintenir notre propre fréquence malgré l’influence extérieure». Elle serait donc centrale pour les personnes qui utilisent beaucoup leur voix et aiment s’exprimer en public.

8e sphère

Ce petit monde venteux nous permet de maintenir un bon équilibre entre l’intuition et l’intellect: «Il est important pour le secteur du développement, puisqu’il permet de capter l’information de manière instinctive, puis de la traiter de manière rationnelle», précise Joëlle.

9e sphère

«Cette sphère est le haut-lieu de la méditation, du calme intérieur, comme de l’air qui existe, mais ne bouge pas», conclut la druidesse. Située tout en haut de la tête, elle reflète la pleine conscience.

En attendant que la cire des bougies fonde, nous rejoignons une épaisse forêt pour présenter nos fameuses offrandes aux esprits de la nature. Comme celles-ci étaient mentionnées dans la liste du matériel de cours, chacune a interprété la consigne à sa façon: Nine s’est munie de magnifiques fleurs et écorces d’orange séchées. Moi, j’ai rassemblé des marrons bien dodus dans un tupperware Totoro. «Je ne savais pas ce qu’il fallait emmener, avoue Caitlin, penaude. Alors j’ai pris des cacahuètes!»

Le chemin jusqu'au cœur de la forêt est pentu.
Les offrandes aux esprits de la nature.

Maintenant que je connais un peu mieux les druides, une dernière question me taraude: comment peut-on vivre totalement connecté à la nature, dans une société aussi consumériste et stressée? Comment peut-on supporter le bruit du train et le grondement des voitures, tout en préservant ce lien? «Quand j’étais jeune, j’aurais préféré vivre dans une grotte ou revenir au monde médiéval, admet Julien Chautems. Mais j’ai fini par réaliser que si je me suis incarné ici, dans cette époque, il y a bien une raison! Alors, je choisis de me focaliser sur les bonnes choses.» De son côté, Joëlle prédit un changement profond dans la société, un grand retour aux sources: «Beaucoup de gens sont en quête de sens depuis le Covid, mais je pense qu’on n’est qu’au tout début de la vague! De plus en plus de personnes vont ressentir le besoin de revenir à leurs racines et à la nature.» Je trouve cette idée follement rassurante, une lueur d’espoir pour la planète suffocante.

Pour les druides, chaque creux dans un tronc d'arbre est une maison de fées.

À la tombée de la nuit, nos chemins se séparent. C’est étrange de quitter ce petit «clan» après quatre longues journées. Épuisée, je reprends le chemin de la gare, le long des rangées d’arbres, les pieds dans la boue. J’ai l’impression que ma vision du monde a un peu changé. Le grondement lointain du train m’évoque un anachronisme, désormais: que vient faire ce dragon de ferraille dans la Suisse celtique? Le son ressemble au roulement de tambour issu d’un passé qui n’a jamais été aussi proche.